27 avril 2020
Un article paru récemment [Calder P.C, mars 2020] soulève que le rôle crucial de la nutrition dans le soutien de l’immunité reste une stratégie trop peu évoquée dans les discussions de santé publique sur l’immunité et l’infection…
Voici donc ce que le Dr Philip Calder préconise en conclusion de son étude :
Nous encourageons fortement les responsables de la santé publique à inclure également des stratégies nutritionnelles dans leur arsenal afin d’améliorer la santé publique et de limiter l’impact des infections virales saisonnières et émergentes. »
Voyons de plus près comment la nutrition peut jouer dans la réponse immunitaire.
1. L’immunité, comment ça marche ?
Le système immunitaire comprend deux réponses complémentaires :
1/ les réponses innées | 2/ les réponses adaptatives |
rapides non spécifiques à l’antigène | plus lentes spécifiques à l’antigène |
La réponse innée
Le système immunitaire inné comprend :
- des barrières physiques qui aident à empêcher l’entrée d’agents pathogènes (la peau, l’épithélium intestinal, les muqueuses, …),
- des peptides antimicrobiens et le système du complément (géré par le foie)
- une variété de cellules phagocytaires et autres (neutrophiles, macrophages, Natural killers) qui reconnaissent la présence d’agents pathogènes via l’expression de récepteurs de reconnaissance d’agents pathogènes non spécifiques.
La réponse innée comme son nom l’indique fait partie de notre bagage à la naissance. Il est assez rapide et apporte toujours la même réponse un peu « guerrière de masse » : phagocyter et appeler du renfort (via des processus inflammatoires) face à un agent reconnu comme pathogène, c’est à dire tout ce qui est du « non soi ». L’immunité innée, bien que rapide, n’augmente pas en efficacité ni en vitesse de réponse avec une exposition répétée à un agent pathogène.
La réponse adaptative
C’est à ce moment que la réponse adaptative est engagée. Cette dernière comprend des cellules spécifiques de l’antigène :
- les lymphocytes T, dont des sous-ensembles coordonnent la réponse adaptative globale ou tuent les cellules infectées par le virus,
- et les lymphocytes B, qui peuvent être activés pour sécréter des anticorps spécifiques du pathogène infectant.
Ce dernier système, bien que plus lent, est générateur d’une mémoire immunologique qui pourra produire une réponse vigoureuse et rapide spécifique à l’antigène la prochaine fois que l’organisme y sera exposé.
2. Le rôle clé de la nutrition
Merci au Dr Philip Calder, qui rappelle clairement, dans son article, le rôle de la nutrition dans le soutien immunitaire de notre organisme face aux infections virales.
Le fardeau mondial de l’infection est élevé et des mesures supplémentaires sont nécessaires. Le rôle que joue la nutrition dans le soutien du système immunitaire est bien établi. Une multitude de données cliniques montrent que les vitamines (vitamines A, B6, B12, C, D, E, folates), des oligo-éléments (dont le zinc, le fer, le sélénium, le magnésium et le cuivre) et les acides gras oméga-3, (EPA, DHA) jouent un rôle important et complémentaire dans le soutien du système immunitaire inné comme adaptatif. »
Les carences en micronutriments affectent négativement la fonction immunitaire et peuvent diminuer la résistance aux infections [1-3]. En effet, à l’exception de la vitamine E et du magnésium, chacun de ces micronutriments a obtenu des allégations santé dans l’Union européenne pour avoir contribué au fonctionnement normal du système immunitaire [4]. D’autres nutriments tels que les acides gras oméga-3 soutiennent également un système immunitaire efficace, notamment en aidant à résoudre la réponse inflammatoire.
En ce qui concerne l’immunité innée, les vitamines et minéraux cités plus haut fonctionnent collectivement pour soutenir :
- le développement et le maintien de barrières physiques
- la production et l’activité de protéines antimicrobiennes
- la croissance, la différenciation et la motilité des cellules innées
- les activités phagocytaires et destructrices des neutrophiles et des macrophages
- la promotion et la récupération de l’inflammation (production de cytokines et activité antioxydante)
Ils soutiennent également l’immunité adaptative, via :
- la différenciation et la prolifération des lymphocytes
- la production de cytokines
- la production d’anticorps
- la génération de cellules mémoire.
Focus sur la vitamine C
La vitamine C joue sur plusieurs tableaux : notamment le soutien de la fonction de barrière épithéliale, la croissance et la fonction des cellules immunitaires innées et adaptatives, la migration des globules blancs vers les sites d’infection, la phagocytose et la destruction microbienne et la production d’anticorps.
Une méta-analyse datant de 2013 a rapporté une réduction significative du risque de pneumonie avec supplémentation en vitamine C, en particulier chez les personnes à faible apport alimentaire [5]. Il a également été démontré que la supplémentation en vitamine C diminue la durée et la gravité des infections des voies respiratoires supérieures, telles que le rhume, et diminue considérablement le risque d’infection chez les personnes soumises à un stress physique accru [6,7].
Focus sur la vitamine D
La vitamine D, quant à elle, favorise la différenciation des monocytes en macrophages et augmente leur capacité de destruction, module la production de cytokines inflammatoires, et prend en charge la présentation de l’antigène. Une carence en vitamine D augmente le risque d’infection respiratoire. [8]
Le rôle clé des oméga-3 dans la modulation de l’inflammation.
On l’aura compris, l’inflammation est un élément clé de la réponse immunitaire, c’est notre réponse pour lutter contre le « non soi ». Mais à la fin de la réponse immunitaire, l’inflammation doit se résoudre, grâce à l’activation de mécanismes spécifiques de rétroaction négative. Parmi ceux-ci, les acides gras oméga-3 EPA et DHA présents sur le site de l’inflammation sont convertis, par voie enzymatique, en différents médiateurs qui fonctionnent ensemble pour orchestrer la résolution de l’inflammation et pour soutenir la guérison. Une carence nutritionnelle en ces acides gras essentiels peuvent entraîner une résolution retardée ou sous-optimale de l’inflammation [9].
3. Avant de se jeter sur les compléments alimentaires
Tout ça pour dire, rappeler et légitimer le rôle crucial que joue la nutrition dans le soutien de notre immunité, au quotidien.
Même si le naturopathe a aussi ses remèdes en phase aiguë, c’est quand même bien le terrain qu’il étudie. Il note les carences et tente de les combler de manière préventive pour que l’organisme ait tout son arsenal complet au moment de faire face à l’assaillant.
Dans l’idéal, une alimentation équilibrée et variée devrait être suffisante.
Avant de se complémenter, il est primordial de s’assurer que 1/ ses apports sont suffisants dans son alimentation et 2/ qu’ils sont bien assimilés.
Une bonne manière d’optimiser ces 2 aspects, depuis chez vous, est de :
- varier son alimentation en suivant les règles d’une alimentation saine et équilibrée. Des cures de jus de légumes, plasma de Quinton et autres superaliments sont toujours bénéfiques.
- manger frugalement
- bien mastiquer (règle 4 ici)
- baisser son niveau de stress, qui réduit en effet le stock en micronutriments dans le corps (exemple pour la vitamine C [1]). Nous verrons dans de prochains articles l’impact du stress sur l’immunité et comment le gérer au mieux.
Pour aller plus loin, des analyses et bilans peuvent être réalisés. Rapprochez vous de votre praticien qui saura vous orienter sur les protocoles d’analyses à faire. Il s’occupera ensuite de lire les résultats et de vous proposer des traitements de fonds au travers de conseils personnalisés sur votre hygiène de vie, et par l’emploi si nécessaire de phytothérapie ou de compléments alimentaires.
Plus globalement, le naturopathe va soutenir les fonctionnalités des organes clé de l’organisme. Nous verrons dans un prochain article combien il est primordial de soigner son intestin pour soutenir son immunité et comment faire concrètement.
Crédits photos : Pixabay.
Références :
[1] Carr, A.C.; Maggini, S. Vitamin C and immune function. Nutrients 2017, 9, 1211.
[2] Martineau, A.R.; Jolliffe, D.A.; Hooper, R.L.; Greenberg, L.; Aloia, J.F.; Bergman, P.; Dubnov-Raz, G.;
Esposito, S.; Ganmaa, D.; Ginde, A.A.; et al. Vitamin D supplementation to prevent acute respiratory tract infections: systematic review and meta-analysis of individual participant data. BMJ 2017, 356, i6583
infections: systematic review and meta-analysis of individual participant data. BMJ 2017, 356, i6583
[3] Gombart, A.F.; Pierre, A.; Maggini, S. A review of micronutrients and the immune system–working in harmony to reduce the risk of infection. Nutrients 2020, 12, 236.
[4] European Commission EU register on nutrition and health claims. Available online: https://ec.europa.eu/food/safety/labelling_nutrition/claims/register/public/?event=search (accessed on Mar 5, 2020).
[5] Hemilä, H.; Louhiala, P. Vitamin C for preventing and treating neumonia. Cochrane Database of Systematic Reviews 2013, Issue 8. Art. No.: CD005532. DOI: 10.1002/14651858.CD005532.pub3.
[6] Hemilä, H. Vitamin C and infections. Nutrients 2017, 9, 339
[7] Hemilä, H.; Chalker, E. Vitamin C for preventing and treating the common cold. Cochrane Database of Systematic Reviews 2013, Issue 1. Art. No.: CD000980. DOI: 10.1002/14651858.CD000980.pub4.
[8] Cannell, J.J.; Vieth, R.; Umhau, J.C.; Holick, M.F.; Grant, W.B.; Madronich, S.; Garland, C.F.; Giovannucci,
E. Epidemic influenza and vitamin D. Epidemiol. Infect. 2006, 134, 1129–1140.
[9] Basil, M.C.; Levy, B.D. Specialized pro-resolving mediators: endogenous regulators of infection and inflammation. Nat Rev Immunol 2016, 16, 51–67.